Le déploiement de stratégies d’éco-innovation des PME

Sustainable Aviation Fuel

Par Nicolas Sacchetti

4POINT0 d’Ancrage met en lumière les différents projets du Partenariat pour l’organisation de l’innovation et des nouvelles technologies 4POINT0.

Dans notre webinaire du 10 avril dernier, Coralie Gagné, candidate au doctorat au Département de management de la Faculté des sciences de l’administration (FSA) de l’Université Laval (ULaval), a abordé la nécessité pour les PME d’adopter les éco-innovations afin de rester compétitives.

Lors de cette présentation, Coralie Gagné était accompagnée de Sophie Veilleux, professeure titulaire à la FSA de l’ULaval – et directrice du Centre de recherche en entrepreneuriat international, ainsi que de Nathan Gueidon, gestionnaire de projet à Aéro Montréal.

  • Éco-innovation : Il est ici question de l’aspect écologique et environnemental de l’innovation, incluant le développement de produits, services, ou modèles d’affaires qui réduisent l’impact environnemental et favorisent la durabilité.
  • Écosystémique : Ce terme utilise l’analogie de l’écosystème biologique pour cartographier et analyser les relations et interactions entre les différents acteurs au sein de divers écosystèmes, comme ceux de l’innovation d’affaires, de savoir, de plateformes, etc. Cette approche permet de comprendre comment ces acteurs interagissent et collaborent pour créer de la valeur et innover.

En guise d’introduction, Coralie Gagné nous offre un survol de sa thèse sur La gestion du processus d’éco-innovation. « Le processus d’innovation est en quatre étapes, » explique-t-elle d’emblée :

1 – Recherche (dans les multinationales) ➡️ 2- Sélection (dans les multinationales) ➡️ 3- Implémentation (analyse des pratiques dans les PME) ➡️ 4- Capture (Recherche dans les entreprises en démarrage)

C’est sur l’étape de l’implémentation d’éco-innovation au sein des PME qu’elle s’attardera au cours de cette présentation.

Il s’agit d’un article en cours de rédaction « Le déploiement de stratégies d’éco-innovation des PME » qui sera présenté en Estonie à la ISPIM Innovation Conference – Local Innovation Ecosystems for Global Impact (International Society for Professional Innovation Management).
Au début de sa présentation, la candidate au doctorat en gestion de l’innovation, Coralie Gagné, a témoigné de l’apport du partenariat dans ses travaux. Elle a souligné que 4POINT0 lui offre du financement et un accès à des partenaires essentiels pour mener à bien sa recherche. « 4POINT0 et Aéro Montréal jouent un rôle absolument primordial dans ma thèse, et je les remercie énormément, » s’est-elle exprimée.

Dans un marché hyper compétitif, les entreprises doivent se démarquer. Coralie Gagné propose donc d’adopter des stratégies d’éco-innovation pour se distinguer, tant auprès de la clientèle qu’auprès de la main-d’œuvre qualifiée.

Mais comment est-ce possible que si peu de ces solutions soient adoptées par nos entreprises, alors qu’elles sont préconisées depuis plusieurs décennies par les écologistes ?

En quelques mots, un modèle d’affaires éco-innovant devrait intégrer la durabilité, ce qu’on pourrait traduire par le respect du vivant – tant les écosystèmes végétaux, animaux, et humains – tout au long du cycle de vie d’un produit et de la chaîne d’approvisionnement. C’est ce que s’évertuent à expliquer tant de scientifiques et penseurs, de Hubert Reeves à Aurélien Barrau.

Déjà en 1972, lors de son allocution au Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN), le mathématicien Alexandre Grothendieck explorait les implications éthiques et philosophiques de la pensée scientifique. Il soulignait la nécessité d’une approche holistique et écoresponsable dans la science et la société, une vision qui résonne encore aujourd’hui dans le contexte de l’éco-innovation. Écouter la conférence de Grothendieck

Cependant, malgré ces appels à l’écoresponsabilité et une approche où l’activité humaine est soutenable pour la planète, les PME peinent à intégrer l’éco-innovation. Le facteur économique est évidemment au cœur de la problématique. Afin d’aider les PME à intégrer des stratégies d’éco-innovation, Coralie Gagné souhaite que les entreprises améliorent leurs capacités dynamiques.

Capacités dynamiques

Elle définit les capacités dynamiques comme la capacité des entreprises à réagir aux pressions externes en reconfigurant leurs ressources internes. Cette résilience permet de surmonter les adversités et d’atteindre des performances financières et environnementales, créant ainsi un avantage compétitif durable.

Les pressions externes sont des forces ou des influences venant de l’environnement extérieur de l’entreprise qui peuvent affecter sa performance et sa stratégie. Ces pressions peuvent être :

  1. Économiques : Changement des taux d’intérêt, inflation, récession.
  2. Technologiques : Avancées rapides, innovations disruptives.
  3. Réglementaires : Nouveaux règlements, politiques environnementales.
  4. Concurrentielles : Intensification de la concurrence, nouveaux entrants sur le marché.
  5. Socioculturelles : Changements dans les préférences des consommateurs, tendances sociétales.
  6. Environnementales : Crises climatiques, catastrophes naturelles.

Les entreprises doivent continuellement surveiller ces pressions et développer leur résilience en adaptant leurs stratégies et ressources en conséquence. Elle explique qu’il y a principalement trois types de capacités dynamiques :

  1. La détection : être capable d’identifier les opportunités.
  2. La saisie : être capable de dédier et de mobiliser des ressources à l’interne et les restructurer pour faire face aux pressions externes.
  3. La transformation : réaligner la structure et la culture de l’entreprise pour faire face aux pressions externes.

L’étudiante au doctorat qui se spécialise en gestion de l’innovation explique que ce qui l’a menée à cette question de recherche est que, dans un contexte d’innovation standard, les capacités dynamiques sont bien comprises. « Par contre, on ne comprend pas comment ces capacités dynamiques vont s’appliquer dans un contexte d’éco-innovation, » dit-elle.

Question de recherche

« Comment est-ce que les PME développent les capacités nécessaires

à implémenter des éco-innovations à l’interne ? »

Pour répondre à cette question de recherche, Coralie Gagné explique qu’elle suit les entreprises qui font partie de l’initiative Éco-Responsabilité d’Aéro Montréal. Ce programme s’adresse aux entreprises de rang 1 à 4 ayant leur siège social au Québec et réalisant au moins 30% de leur chiffre d’affaires au Québec.

Elle utilise des entretiens semi-structurés avec des représentants de ces entreprises « pour comprendre comment est vécu le processus. » Il y a trois entretiens. Un avant que l’entreprise participe à l’initiative Éco-responsabilité, un deuxième entretien dès le processus de trois mois complétés, et ensuite six mois plus tard.

Méthode Eisenhardt

Coralie Gagné utilise la méthode Eisenhardt pour faire sa recherche. C’est une approche de recherche qualitative en science de gestion, développée par Kathleen Eisenhardt. La méthode se concentre sur l’utilisation d’études de cas multiples pour construire des théories. Les étapes clés incluent la sélection de cas, la collecte de données riches et détaillées à travers des méthodes telles que les entretiens et l’observation, et l’analyse comparative des données entre les différents cas pour identifier des motifs et des relations.

« La méthode Eisenhardt me permet de faire des liens au sein des cas, entre les différents cas également, pour arriver à des modèles pour illustrer le concept des capacités dynamiques pendant le processus d’éco-innovation. » – Coralie Gagné

Codification NVivo 14

Le distributeur et intégrateur de solutions logicielles RITME décrit NVivo comme un « puissant logiciel d’analyse qualitative conçu pour soutenir les chercheurs dans leur organisation, leurs découvertes, leur collaboration, et délivrer en un temps record des informations de première classe. » Coralie Gagné utilise NVivo 14 pour la codification de sa recherche, afin d’assurer un processus réplicable, de démontrer la crédibilité de son travail, et de s’assurer que les données de cette recherche puissent mener à l’élaboration de théories.

Données collectées

Jusqu’à maintenant, Coralie Gagné a consulté 17 PME avant que ces entreprises participent à l’initiative Éco-Responsabilité d’Aéro Montréal. Les entrevues initiales durent 30 minutes. Elle en est maintenant rendue aux deuxièmes entrevues, menées après la complétion du processus de trois mois.

De plus, elle a participé en tant qu’observatrice lors des formations de deux PME, mené des entrevues avec des membres de l’écosystème, et a assisté à quelques activités de l’écosystème de l’aérospatiale.

Résultats préliminaires

La recherche de Coralie Gagné est en cours de réalisation, mais déjà, elle fait quelques constats. Elle explique que « l’initiative Éco-Responsabilité d’Aéro Montréal permet vraiment aux PME de détecter les opportunités auxquelles elles font face. » Selon son analyse, cette initiative influence effectivement la première compétence des capacités dynamiques des PME : identifier les opportunités. Les PME participantes à la formation avaient besoin d’un encadrement pour sélectionner les opportunités éco-responsables.

Elle constate aussi que des programmes complémentaires à celui de l’initiative Éco-Responsable d’Aéro Montréal devront être mis sur pied afin que l’objectif environnemental soit éventuellement atteint.

« Un résultat intéressant se dessine tranquillement dans les données ; le fait que l’on soit capable de détecter la synergie de l’écosystème de l’aérospatiale. Lorsque les différents acteurs de l’écosystème viennent travailler également sur leurs capacités dynamiques, en même temps que nos PME, ceci assure le déploiement de stratégies d’éco-innovation. On le voit, c’est trop difficile pour les PME qui ont peu de ressources d’arriver à des activités d’éco-innovation seules, mais lorsqu’elles ont les supports appropriés de l’écosystème, elles s’y arrivent. L’écosystème doit aussi s’assurer d’offrir les ressources au bon moment. » – Coralie Gagné

Contributions

Du point de vue académique, Coralie Gagné explique que sa recherche permettra de mieux comprendre comment les capacités dynamiques conduisent à une implémentation efficace de l’éco-innovation dans les PME. Cette recherche aide également à comprendre les performances environnementales et financières des PME et à intégrer d’une vision plus complète de la durabilité.

Elle avance que l’initiative d’Aéro Montréal fait de la durabilité un résultat délibéré de la gestion des capacités dynamiques. « Jusqu’à présent, les entreprises voyaient des activités vertes ou des résultats verts comme simplement un à côté, alors que maintenant cela devient un processus, un élément qui est majeur et délibéré, » renchérit-elle.

Elle ajoute qu’on arrive aussi à une compréhension du rôle de l’écosystème dans le processus. Les capacités dynamiques sont nécessaires tant au niveau des entreprises qu’au niveau de l’écosystème. La complémentarité est essentielle pour un processus d’éco-innovation fonctionnel.

D’un point de vue pratique, les gestionnaires pourront présenter un processus d’implémentation d’éco-innovation efficace. Elle explique que le but est d’offrir des outils pour suivre ce processus afin d’arriver à une performance de l’entreprise avec un avantage compétitif durable.

Enfin, au niveau de l’écosystème, Coralie Gagné a l’intention d’offrir un guide pour assurer la pérennité des programmes d’éco-responsabilité comme celui d’Aéro Montréal et qu’ils puissent fonctionner efficacement.

Ce contenu a été mis à jour le 2024-06-06 à 20 h 18 min.